dimanche 13 janvier 2013

Codeurs : la joyeuse revanche des geeks


Ce titre vient d'un article du Monde écrit par Margherita Nasi et qui décrit une situation effectivement perturbante en France en 2012/13.

Je ne reviendrais que sur la partie autour du peu de considération de notre système académique sur la programmation et le code en général.

L'article est intéressant puisqu'il dit, et à juste titre, qu'il ni a aucune "Grande Ecole Française" de programmation, ce qui est vrai et en même temps relativement étonnant quand on sait que le diplôme phare de Berkeley et celui de "computer science"

Je suis tout à fait d'accord : Il ni a pas de Grande Ecole de Programmation en France

Bien entendu comme DGA d'EPITECH, on m'a interpellé en me disant de répondre.

Pour une raison obscure, je ne réponds que maintenant...

Alors pourquoi je suis certains qu'il ni a pas de Grande Ecole de Programmation ?

La France a réglementé la qualification de "Grande Ecole". Comment devenir une Grande Ecole ? En étant accepté par la Conférence des Grandes Ecoles elle-même composée des Grandes Ecoles et d'entreprises partenaires

Autant cela permet une forme de protection du terme qui permet d'éviter d'importants débordements, autant nous connaissons tous l'effet d'un corps qui s'auto-promeut.

Tout aussi clairement, on sait que la notion de "Grande Ecole" est liée à la notion de Science, soit à celle d'une réputation hors pair (voir les deux) forgée dans le temps.

La conférence des grandes écoles classe les écoles en trois catégories : les écoles de managers (HEC, ESSEC...), les écoles d'ingénieurs (Polytechnique, Centrale...) et autres (ENS, ENA...).

L'informatique étant une très jeune matière, aucune école ne s'est forgé une réputation dans le temps. On cherche le coté scientifique dans la programmation pour trouver une grande école.

Les écoles scientifiques de la Conférence, sont celles d'Ingénieurs. Plus que le terme de Grande Ecole, celui d'école d'Ingénieur est encore plus protégé (ce qui est une très bonne chose).

Une école d'ingénieur doit être certifiée par la CTI (Commission du Titre d'Ingénieur) toute puissante à délivrer la certification selon L'article L642.1 du code de l'éducation : "L'habilitation à délivrer le titre d'ingénieur diplômé est accordée par l'autorité administrative compétente après avis de la commission des titres d'ingénieurs."

Mais contrairement à la CGE qui apporte du sang neuf au travers de nombreuses entreprises, la CTI est composée de membres des écoles d'ingénieurs elles-mêmes à 75% (50% Ecoles, 25% anciens des écoles).

Les normes pour devenir école d'ingénieurs sont strictes. C'est un processus qui prends de longues années, et orienté dans sa très large majorité sur l'axe science et recherche.

Ce qu'il est important de retenir, c'est qu'il n'est possible d'être école d'ingénieur que si l’on est "scientifique".

La notion de science a été modifiée dans le temps. A l'époque de Descartes, la science regroupait les mathématiques, la philosophie et la physique.

Aujourd'hui où est la Philosophie ? En écrivant le terme sur le site internet de la CTI on n'en trouve pas trace. A la renaissance, il était normal que les artistes soient géomètres.

Or la programmation n'est pas une science, c'est un art.

C'est à ce titre que je rejoins les dires de Pierre Lévy, De la programmation considérée comme un des beaux-arts (La Découverte, 1992): Le "métier des informaticiens est d'agencer des architectures de signes, de composer l'environnement de communication et de pensée de groupes humains, on se refuse bizarrement à considérer que leur activité relève d'une compétence artistique et culturelle"

L'incontestable Professeur émérite Donald Knuth l'écrit dans son livre "The Art of Computer Programming" dont le titre ne laisse que peu de place à une quelconque interprétation scientifique de la programmation.

C'est ce que nous appliquons à EPITECH, puisque nous prenons de nombreux jeunes, issus de Bac non scientifiques et qui réussissent parfaitement dans la vie professionnelle de programmeur, sans compter que nous le faisons en ne dispensant aucun programme scientifique académique.

Par essence donc, la programmation n'est pas considérée comme une discipline scientifique, elle ne sera donc jamais "CTI" et ne pourra donc pas atteindre le statut de Grande Ecole, par la voie scientifique et ingénieur.

Autant la CTI ne saura jamais considérer qu'une école non scientifique fasse parti de ses membres, autant la CGE a su accepter dans les 22 membres qui forme la catégorie "autre" dont quelques écoles d'art : ENSAD, ENSBA, IFM, L'Ecole de Design ( la CGE est composée actuellement de 155 écoles d'ingénieurs et 44 de managers).

La programmation comme le décrit l'article du Monde est partout. Pire, nous sommes quelques-uns à penser que le monde est devenu programmation. En connaitre les arcanes, c'est s'armer au mieux pour le comprendre. Mais encore aujourd'hui, la programmation n'est pas considérée comme une grande discipline.

Cherchez un diplôme à la faculté Française avec le terme "Internet" dedans (et que les bobos du net n'essaient pas de m'expliquer la différence entre le NET et la programmation).

Quand une école de programmation aura-t-elle accès au terme de "Grande Ecole", pas de sitôt de mon point de vue !